Ce projet est avant tout une ode au passé et c’est ce qui le lie à toutes mes autres séries photographiques. La principale différence de ce projet, c’est que je n’ai pas réalisé les photos que vous allez voir, je les ai simplement mises en scène en les anonymisant et en détournant leur sens avec des titres. 
Pour tout vous dire, je ne connais pas ces gens, je ne connais ni leurs noms, ni même où ils vivaient, je n’ai qu’une seule indication : les dates inscrites sur les pochettes. Ces photos sont toutes issues d’un lot acheté sur un vide grenier, environ 400 négatifs 6x6 rangés dans des enveloppes en papier de laboratoire indiquant des années contenues entre 1947 et 1958. Voilà tout ce qui nous relie, eux et moi. Et pourtant après une petite dizaine d’heures à scanner et traiter ces images, j’ai l’impression d’avoir vécu des choses avec ces inconnus. A force de retrouver les mêmes têtes dans toutes sortes de lieux ou de situation, j’ai l’impression de les connaître, enfin c’est ce que je m’imagine. J’ai la sensation de redevenir enfant, lorsque je regardais les voitures sur l’autoroute en inventant où allaient tous ces gens. Et puis, il y a aussi chez moi une sorte de fétichisme de l’objet, le propre de tous les collectionneurs j’imagine, alors forcément avoir entre les mains toutes ces images ayant traversé les 70 dernières années, c’est passionnant. Pour la première fois je peux donc allier ma passion pour la collection et mon travail photographique. 
Il est important pour moi de préciser que j’ai beaucoup hésité à publier ce projet, principalement pour des raisons morales. Est-il acceptable de publier une série dont les photos n’ont pas été prises par moi ? Peut-on exposer des gens dont on ne connait rien ? L’ajout de titre et d’éléments graphiques mineurs font-ils de ces photos des œuvres qui m’appartiennent ? Bref, tout ceci m’occupe toujours un peu l’esprit et je ne suis pas sûr d’avoir des réponses définitives à ces questions, je me dis simplement que ces images valent le coup d’être vues et que je suis satisfait de l’histoire que je raconte grâce à elles. Vous serez donc seuls juges. 
Je termine en rendant un hommage à ces anonymes qui, pour certains, ne sont certainement plus de ce monde et qui pourtant font vivre ce projet. J’espère sincèrement que vous ressentirez la bienveillance que j’ai mise dans la lecture des images et que vous n’y verrez pas un quelconque manque de respect.